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1 mai 2008 4 01 /05 /mai /2008 19:42
Sur le premier trimestre, selon le ministère du Logement, le nombre de transactions dans le neuf a chuté de près de 30 % et les mises en chantier ont reculé de près de 20 %. Au total, le stock d'invendus atteint 105.000 logements contre une moyenne de 40.000 au pic du marché immobilier. Les signes de retournement du marché se multiplient mais la profession table toujours sur un atterrissage en douceur.
Vincent Renard, directeur de recherche au CNRS
Vincent Renard, directeur de recherche au CNRS
Oui : " Les prix vont mieux refléter la réalité du marché " (Vincent Renard)

Les signes d'un retournement du marché plus prononcé que prévu commencent en effet à se manifester. Pour autant, je ne crois pas à l'hypothèse d'un krach. Il faut s'attendre à une baisse graduelle des prix et surtout, contrairement à la crise des années 1990, elle sera très différenciée selon la nature des biens et les régions. Le marché recouvre à la fois une pénurie de bons logements - il existe en effet toujours une demande importante de logements -, et une surabondance de produits difficiles à vendre. Les familles recomposées, l'allongement de la durée de la vie ou l'essor d'une clientèle étrangère sont autant de facteurs de soutien, en particulier dans les grandes villes ou les zones bien desservies par les transports. Le problème de la France, c'est sa faible capacité à mener une stratégie d'urbanisme adaptée à la demande. La machine à construire est en panne, faute de foncier disponible, et parfois par manque de volonté des maires. Du coup, les grands projets comme les ZAC sont délaissés au profit de petits lotissements dispersés dans la nature et des logements individuels, contribuant à l'étalement urbain, en contradiction avec les objectifs du " Grenelle ". Ces biens auront de plus en plus de mal à trouver des acquéreurs, les ménages modestes étant à la limite de la solvabilité. Quant aux prix, ils vont sans doute mieux refléter la réalité du marché : la multiplication des transactions haut de gamme a tiré ces derniers temps la moyenne des prix à la hausse, créant une illusion de gonflement des prix généralisée. Les aberrations de prix constatées deviendront à nouveau l'exception et non plus la règle.

Alexandre Mirlicourtois, directeur des études économiques, Xerfi Études Paris
Alexandre Mirlicourtois, directeur des études économiques, Xerfi Études Paris
Non : " La purge est inévitable et la sortie de crise n'est pas attendue avant 2011 " (Alexandre Mirlicourtois)

Tous les indicateurs virent au rouge, et ce de manière assez brutale. Sur le logement neuf, le retournement se confirme nettement mais il était finalement, malgré des discours rassurants, attendu par les promoteurs qui ontmultiplié ces derniers mois les offres promotionnelles. Le stock d'invendus, l'un des témoins les plus pertinents du marché, a été multiplié par trois par rapport aux bonnes années et représente un an de ventes. Les professionnels ont d'ailleurs réagi rapidement, comme en témoigne le recul très net des mises en vente. Sur l'ancien, un sondage récent révèle que deux tiers des notaires anticipent une baisse des prix cette année. Il existe en effet toujours un décalage de plusieurs mois entre la contraction de l'activité et l'ajustement des prix. En dix ans, les prix dans l'ancien ont grimpé enmoyenne de 150%, des hausses comparables à celles constatées en Espagne ou aux Etats-Unis. Certes, en France, il y a eu un effet de rattrapage mais également beaucoup d'excès. La purge est donc inévitable. Il existe toutefois des forces de rappel, comme un taux d'endettement moyen des ménages plus faible que chez nos voisins, car l'accès au crédit des ménages aux revenus précaires y est plus difficile. Et le pourcentage de propriétaires y est moins élevé. Je prévois une baisse totale moyenne des prix, d'ici à 2011, de 10 % à 15 %. Cela n'effacera donc pas toute la hausse de ces dernières années mais la situation est bel et bien durablement dégradée. Et, comme toujours dans l'immobilier, à la hausse comme à la baisse, lorsqu'un cycle est enclenché, il est difficile de faire marche arrière...

La crise est dans les murs
*En France, c'est bien connu, rien ne se passe comme chez nos voisins : le nuage de Tchernobyl s'est, rappelons-le, arrêté aux frontières. À l'heure où la crise de l'immobilier frappe durement les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l'Irlande ou bien l'Espagne, et où la convergence des cycles est régulièrement mise en évidence par l'OCDE ou le FMI, le scénario de l'atterrissage en douceur, après dix années de folle hausse, était jusqu'ici toujours privilégié par les observateurs. La publication, mardi, des chiffres calamiteux du logement neuf a donc eu l'effet d'une douche froide, au point que les promoteurs et agents immobiliers mettent en doute la fiabilité des statistiques du ministère. S'il est vrai que le secteur est caractérisé par une information tardive et imparfaite — qui ralentit l'ajustement par les prix —, les chiffres sont têtus et ils peuvent se comparer avec les pays les plus touchés par la crise. Seule différence, les prix se maintiennent en France. Mais la dynamique de baisse est bel et bien enclenchée. Le gonflement des stocks va, d'une part, renforcer le pouvoir de négociation des acheteurs, avec l'aide tacite des agents immobiliers, qui jouent leur survie. Et, d'autre part, la spirale de baisse devrait inciter les acheteurs à différer leur achat et les vendeurs à reporter leur projet d'acquisition de nouvelle résidence. Restent les primo-accédants : mais ils risquent de trouver le guichet des banques fermé !


ÉRIC BENHAMOU


 

Source:la tribune

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